Le Conseil National Professionnel des Infirmiers CNPI représentant les 640 000 infirmières exerçant en pratique générale, prend acte de la décision du Conseil d’État du 22 juillet 2025 annulant partiellement le décret du 27 juin 2024 relatif à l’infirmier référent pour les patients en affection de longue durée (ALD).

Cette annulation, fondée sur l’absence de saisine du Haut Conseil des professions paramédicales (HCPP), soulève plusieurs points d’attention majeurs, tant du point de vue juridique que de celui de la qualité des soins.

Conformément à ses missions, le CNPI souhaite rappeler que la reconnaissance du rôle de l’infirmier référent s’inscrivait dans une dynamique d’optimisation de structuration du parcours de soins, de clarification des responsabilités, et de sécurisation du suivi infirmier des patients chroniques.

Une avancée suspendue, mais une nécessité maintenue

Pour rappel, la disposition censurée par cette décision du Conseil d’Etat visait initialement à organiser la coordination des soins autour d’un infirmier désigné par le patient en ALD, en articulation avec le médecin traitant, le pharmacien correspondant et la sage-femme référente. En l’état, cette mission est souvent exercée de façon implicite, sans cadre ni reconnaissance formelle, ce qui constitue une faiblesse en matière de lisibilité du parcours, de traçabilité des responsabilités et d’accessibilité du système pour les usagers.

Le CNPI tient à souligner que cette organisation ne remettait nullement en cause la complémentarité des missions entre professionnels de santé, mais visait à renforcer l’efficacité collective, conformément aux recommandations nationales sur le décloisonnement des soins primaires (Cour des comptes, rapport 2022 ; HAS, rapport de mission “parcours de santé” 2021).

Une perte d’opportunité pour les personnes atteintes de maladies chroniques

L’absence de reconnaissance formelle du rôle de référent infirmier constitue une perte d’opportunité pour les patients atteints de pathologies chroniques, particulièrement en situation de vulnérabilité ou de complexité médico-sociale. Plusieurs études internationales ont montré que la continuité du suivi infirmier contribue significativement à l’amélioration de l’observance thérapeutique, à la diminution des complications évitables et à la réduction des hospitalisations non programmées (WHO Europe, “Strengthening people-centred health systems”, 2022).

Dans un contexte marqué par le vieillissement de la population, l’augmentation des pathologies chroniques et la raréfaction de certains professionnels médicaux, l’accès à une coordination formalisée et de proximité constitue un levier majeur de qualité des soins.

Une limitation du périmètre en décalage avec les enjeux de santé publique

Le CNPI rappelle que la limitation du rôle de l’infirmier référent aux seules ALD ne répond qu’imparfaitement aux besoins de coordination sur le terrain. De nombreux autres publics nécessitent un accompagnement infirmier de référence : pour exemples, personnes âgées, jeunes en situation de rupture de soins, personnes en situation de handicap, patients suivis en santé mentale, aidants familiaux.

C’est pourquoi le CNPI soutient l’évolution du rôle vers un cadre élargi, conforme aux recommandations de l’Organisation mondiale de la santé (OMS) qui, dès 2000, appelait au développement du modèle de l’infirmière de famille. Ce modèle repose sur la reconnaissance d’une infirmière généraliste de proximité, désignée par les individus ou les familles, exerçant en soins primaires et contribuant à :
• l’accessibilité territoriale aux soins infirmiers,
• la continuité, la qualité et l’adaptation du suivi,
• l’éducation à la santé et l’accompagnement des modes de vie,
• la participation active des personnes soignées à leur parcours de santé,
• la coordination avec les autres professionnels du champ sanitaire, social et médico-social.

Ce modèle, déjà déployé dans plusieurs pays européens, a fait l’objet de validations par l’OMS dans son cadre stratégique sur les ressources humaines en santé (WHO, “Global strategic directions for nursing and Midwifery”, 2021-2025).

En cohérence avec ses missions, le CNPI :
 1. prend acte de l’annulation partielle du décret sur des motifs procéduraux indépendants du fond de la réforme  ;
 2. réaffirme l’intérêt d’une reconnaissance réglementaire du rôle de l’infirmier référent, en articulation avec les autres professionnels du parcours de soins, pour renforcer la qualité, la continuité et la pertinence des suivis  ;
 3. préconise une reprise rapide du travail réglementaire, dans le respect des procédures, afin de sécuriser le cadre juridique et opérationnel de cette fonction  ;
 4. invite à élargir la réflexion vers une évolution progressive intégrative du modèle d’infirmière de famille, reconnu internationalement, en cohérence avec les besoins structurels du système de santé et des populations ;
 5. demande une concertation avec les représentants professionnels compétents, dont le CNPI, afin d’assurer une construction partagée, réaliste et efficiente du futur cadre réglementaire.

Le CNPI reste à disposition des autorités sanitaires pour contribuer à une réforme constructive, fondée sur l’expertise des professionnels de terrain, et orientée vers l’amélioration de la qualité des parcours de soins.

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