Le Conseil National Professionnel Infirmier (CNPI) représente l’ensemble des modes d’exercices infirmiers, ce qui l’amène à produire des avis techniques reposant sur des retours d’expériences pluriels dans le cadre de ses missions. A ce titre, le CNPI est notamment membre du COPIL du Plan national Développement des soins palliatifs et accompagnement de la fin de vie 2021-2024.
Le CNPI salue l’ambition de l’instruction interministérielle n° DGOS/R4/DGS/DGCS/2023/76 du 21 juin 2023 relative à la poursuite de la structuration des filières territoriales de soins palliatifs ainsi que l’ouverture du chantier sur les soins palliatifs et la fin de vie répondant à une demande sociétale.
Cet avis a pour objectif de rendre compte de l’incompréhension des professionnels infirmiers quant à la modification envisagée de la terminologie « Soins palliatifs » dans l’évolution législative envisagée dans le projet de loi sur la fin de vie (PLFV version décembre 2023).
La première partie de ce PLFV reprend en effet les fondamentaux des soins palliatifs, figurant notamment dans la définition de l’OMS, promus en France par la loi n°99-477 du 09 juin 1999 visant à garantir le droit à l’accès aux soins palliatifs, loi complétée par plusieurs autres, lois dont la loi n°2016-87 Claeys-Leonetti toujours en vigueur. Cette définition consensuelle énonce une stratégie de soins pluriprofessionnelle centrée sur la personne soignée incluant son entourage, quel que soit son lieu de vie, tenant compte ses dimensions physiques, psychologiques, sociales et spirituelles tout au long des phases successives de son processus évolutif maladie-handicap-dépendance (et donc pas uniquement la période de fin de vie).
En la matière, ces finalités restent d’actualité et les défauts de mise en œuvre ont été clairement identifiés dans les différents travaux d’évaluation. Ce constat partagé n’explique pas la volonté de vouloir changer la terminologie "soins palliatifs" pour la substituer par "soins d’accompagnement".
Car si l’accompagnement est une démarche ancrée dans notre engagement professionnel infirmier au service d’autrui et centré sur la personne, en revanche, il ne qualifie pas les interventions soignantes relevant des soins palliatifs effectuées aujourd’hui.
Au cœur de ce débat sociétal crucial, le CNPI préconise de préserver une terminologie précise et une définition en accord avec les principes fondamentaux des soins palliatifs établis par l’OMS. Une modification imprudente de ces dernières pourrait entraîner des répercussions significatives sur la compréhension et la mise en œuvre de ces soins essentiels pour les personnes les requérant ainsi que pour leurs familles, quel que soit le lieu de vie et de soins.
La terminologie "soins d’accompagnement", intrinsèquement réductrice, occulte la complexité de l’expertise et de la coordination pluridisciplinaires permettant d’apporter le juste soin requis, co-construit avec la personne soignée et son entourage. De surcroit, l’utilisation d’une terminologie franco-française risque d’entraver la mise en place de nouvelles approches et de freiner la recherche internationale pluridisciplinaire en soins palliatifs.
C’est pourquoi le CNPI considère que cette substitution terminologique n’est pas fondée et invite les pouvoirs publics :
– à reconsidérer cette terminologie afin de préserver la définition des soins palliatifs telle qu’elle existe actuellement.
– à poursuivre la dynamique d’acculturation du grand public comme des professionnels sur ce que recouvre la démarche palliative, garante du continuum du parcours individualisé de vie et de soins quel que soit l’âge, l’état de santé, de dépendance et d’autonomie ;
– à prendre appui sur les résultats de l’évaluation du Plan national Soins palliatifs 2021-2024 qui doit être effectuée sur le prochain semestre 2024 et sur les ambitions de l’instruction interministérielle précitée de Juin 2023 pour poursuivre les travaux engagés autour de l’élaboration de la future stratégie décennale afin de garantir l’accès aux soins palliatifs requis à tout citoyen, quel que soit son lieu de vie ;
– à tenir compte de ces préconisations de la profession infirmière, engagée au quotidien avec les personnes soignées et leurs aidants pour répondre à leurs besoins de santé et à leurs attentes ;
– à associer la profession infirmière aux auditions et débats d’analyse suite à l’avis du Conseil d’état et des futurs avis parlementaires.
Cet avis n’aborde pas la deuxième partie du projet de loi concernant l’aide à mourir qui est un nouveau sujet sociétal en soi sur lequel le CNPI est prêt à débattre et travailler dans un 2ème temps.