1/ Contribution complémentaire concernant la typologie de stages
Typologies de stage - Extrait du diaporama DGOS DGESI Avril 2024
– Prise en soins d’une personne ou d’un groupe de personnes à tout âge de la vie présentant une
altération de l’état de santé, physique ou mentale, en phase aigüe ;
– Prise en soins d’une personne ou d’un groupe de personnes à tout âge de la vie présentant une
altération de l’état de santé, physique ou mentale, stabilisée ;
– Maintien ou amélioration de l’état de santé d’une personne dans le cadre d’une équipe contribuant à l’offre de soins de premier recours (article L. 1411-11 du code de la santé publique)
– Accompagnement d’une personne ou d’un groupe de personnes en situation de vulnérabilité liée à
des problèmes de santé, de handicap, de dépendance, d’exclusion sociale.
Les typologies proposées reflètent les parcours de santé développés dans nos politiques de santé. Elles offrent une ouverture organisationnelle permettant de structurer des parcours de stages dans des lieux d’exercices variés et aux établissements de formation d’optimiser les réponses aux demandes comme aux besoins de places de stages.
Le CNPI souhaite apporter certains éléments complémentaires en points de vigilance et de réalisation opérationnelle.
Si la double mention « physique ou mentale » des deux premières propositions pourraient offrir l’opportunité d’expériences riches, selon la lecture qui en est faite, elle peut aussi entraîner le risque de ne pas expérimenter certaines d’entre elles. Séparer les aspects « physique » et « psychique » est impropre à toute situation de santé voire toute situation humaine.
L’expérience ces dernières années avec les mentions « santé mentale OU psychiatrie » a abouti à des parcours de professionnalisation faisant l’impasse sur l’une ou sur l’autre.
Le CNPI préconise que les typologies soient spécifiées afin d’en garantir la réalisation :
➢ Prise en soins d’une personne ou d’un groupe de personnes à tout âge de la vie présentant une altération de la santé physique ET psychique en phase aigüe ;
➢ Prise en soins d’une personne ou d’un groupe de personnes à tout âge de la vie présentant une altération de l’état de santé physique ET psychique stabilisée.
➢ Maintien ou amélioration de l’état de santé d’une personne dans le cadre d’une équipe contribuant à l’offre de soins de premier recours.
➢ Accompagnement d’une personne ou d’un groupe de personnes en situation de vulnérabilité liée à des problèmes de santé, de handicap, de dépendance, d’exclusion sociale.
Comme stipulé dans la contribution transmise le 12 avril 2024, le CNPI préconise de différencier la santé mentale des soins psychiques ou psychiatriques, non par volonté de les opposer mais afin d’en éviter l’amalgame. Pour rappel l’extrait du document présentant l’état d’avancement de la feuille de route Santé Mentale et Psychiatrie au 1er mars 2024 :
« La question de la santé mentale comme une recherche d’équilibre entre toutes les dimensions de la vie : psychique, physique, sociale, économique, … et ne se résumant ni à la maladie mentale, ni à l’absence de maladie mentale mais dont les déterminants peuvent influer sur l’émergence de troubles mentaux, s’impose désormais comme une thématique prioritaire, concernant tous les milieux et tous les âges de la vie. Agir sur la santé mentale implique d’agir sur tous les déterminants de la santé, et pour la réduction des inégalités de santé. »
En cela, le CNPI préconise que la santé mentale soit reconnue comme une dimension transversale de la discipline infirmière, tant dans les soins apportés à la population soignée que dans la considération de la santé mentale des étudiants. Moyen puissant de déstigmatisation de la santé mentale, le CNPI préconise d’en faire l’objet d’objectifs de stage dans toutes les typologies identifiées, d’actions de prévention dans l’offre de soins de premier recours ou celui auprès des personnes vulnérables. La santé mentale doit être distinguée des soins auprès des personnes présentant des troubles psychiatriques qui nécessitent d’autres spécificités.
Pour rappel, dans le même document, cet extrait concernant la formation de la profession infirmière :
« Renforcer la formation initiale en psychiatrie et santé mentale des professionnels de santé s’inscrit dans les objectifs d’adaptation des formations initiales des professionnels de santé aux enjeux du système de santé fixés par la loi du 24 juillet 2019 relative à l’organisation et à la transformation du système de santé. La réingénierie des professions de santé progressivement réalisée permet de développer les formations à la prise en charge de patient souffrant de troubles psychiatriques, les enjeux de formation étant déterminants pour garantir une prise en charge de qualité. Ont été ciblées les professions d’infirmier et de psychomotricien. Pour accompagner cette priorité, la refonte du référentiel infirmier en 2024 devrait permettre d‘actualiser le cadre de formation des infirmiers en soins généraux. »
Dans ce but, le CNPI considère que chaque étudiant infirmier doit obligatoirement faire l’expérience d’un stage auprès de personnes présentant des troubles psychiatriques et d’un suivi en milieu spécialisé, que ce soit dans un contexte aigu et chronique des troubles. Les stages de psychiatrie doivent avoir lieu dans des secteurs spécialisés dans les soins psychiatriques.
De même, la refonte du diplôme infirmier doit répondre aux besoins de santé de la population et préparer les professionnels infirmiers à la pratique qui les attend. Pour y répondre, le CNPI préconise qu’un stage à caractère obligatoire soit également effectué :
Auprès des enfants
Auprès des personnes âgées.
En lien avec le principe d’alternance et de modélisation professionnelle, le CNPI préconise une durée de stage de 4 à 5 semaines et de 10 semaines.
Le CNPI préconise de favoriser/promouvoir en début de formation les typologies 1 et 4 pour gagner en motivation/attractivité de la profession auprès des ESI et de privilégier les typologies 2 et 3 (notamment SLD) en milieu et fin de formation où les ESI auront consolidé les pré- requis aux attendus et une vision plus distanciée des parcours des personnes soignées.
Le CNPI préconise que, quel que soit le lieu de stage, il y ait toujours au moins un tuteur infirmier. Le CNPI préconise 4 typologies de stages, dans l’objectif d’appréhender à la fois des populations dans différents contextes et dans des modalités organisationnelles variées.
1. Soins de courte durée : l’étudiant s’adresse à des personnes atteintes de pathologies quelques soient les modalités de prises en charge y compris dans les services départementaux ou territoriaux d‘incendie et de secours.
2. Soins en psychiatrie : l’étudiant s’adresse à des personnes hospitalisées ou non, suivies pour des troubles psychiatriques par une équipe spécialisée.
3. Soins de longue durée et Soins de suite médicaux et de réadaptation : l’étudiant s’adresse à des personnes qui requièrent des soins continus dans le cadre d’un traitement ou d’une surveillance médicale, en établissement dans un but de réinsertion, ou une surveillance constante et des soins en hébergement.
4. Soins individuels ou collectifs sur des lieux de vie en santé publique, en santé communautaire, en promotion et en éducation à la santé (notamment santé mentale) : l’étudiant s’adresse à des personnes ou des groupes qui se trouvent dans des différents contextes et lieux de vie (domicile, travail, école, social, médico-social, sanitaire, …) et parcours de vie.
2/ Contribution concernant l’évaluation infirmière des étudiants infirmiers en stage
De principe, tout apprenant doit pouvoir s’auto-évaluer pour savoir où il en est dans son processus d’appropriation de sa formation, en appui notamment sur le dispositif d’évaluation en stage visant à l’aider dans la construction de sa professionnalisation. Cela suppose de pouvoir s’impliquer dans le processus d’évaluation pour que celle-ci soit contributive et co-constructive. Ce dispositif repose sur plusieurs principes comme ceux concourant à définir les modalités opérationnelles d’évaluation, à clarifier les attentes respectives, à favoriser l’appropriation des critères d’évaluation et à l’instauration d’un langage partagé entre acteurs (évaluateurs et évalués).
Parmi les points clés de la formation des étudiants infirmiers en stage, l’évaluation infirmière en stage représente bien plus qu’une simple évaluation de compétences et de tâches techniques. Elle permet notamment d’évaluer et de mesurer les écarts d’apprentissage au regard du référentiel de formation. Elle englobe une approche holistique qui prend en compte non seulement les compétences cliniques, mais aussi les compétences relationnelles, la prise de décision, la pensée critique et la capacité à s’adapter à des situations changeantes. L’observation en situation auprès des personnes soignées, les modalités d’organisation et de production des soins ainsi que les transmissions écrites et orales sont autant d’occasions qui permettent aux étudiants de faire les liens entre les savoirs académiques et les savoirs pratiques. La formation infirmière en stage a pour objet de professionnaliser le parcours de l’étudiant, avec des apprentissages centrés sur les savoirs professionnels utiles à l’étudiant pour intégrer son milieu de travail. S’intégrant dans un contexte d’exercice pluriprofessionnel, l’évaluation infirmière en stage soutient l’acquisition des compétences de l’étudiant dans son rôle d’infirmier en devenir.
Pour les étudiants infirmiers en stage, l’évaluation infirmière représente une occasion d’apprentissage continu. La finalité visée est de préserver la sécurité des personnes soignées et la qualité de l’apprentissage de l’étudiant. Les retours d’information donnés par les professionnels infirmiers cliniciens et les superviseurs permettent aux étudiants d’identifier leurs forces et les domaines nécessitant une amélioration de leur pratique. Cette rétroaction constructive favorise le développement professionnel et personnel de l’étudiant de façon à :
o Soutenir son processus d’apprentissage, en l’aidant à identifier ses acquis (ce qu’il sait faire à ce stade de la formation) et ce sur quoi il lui reste à apprendre pour savoir-faire, l’amenant à se situer dans sa progression par rapport à un objectif donné.
o L’aider à analyser les sources de presque-erreurs voire d’erreurs, induisant l’autogestion et l’autorégulation, sources d’apprentissages et de développement d’autonomie réflexive.
Le CNPI préconise que les objectifs d’apprentissage :
o soient réfléchis en amont de l’arrivée de l’étudiant en stage en fonction de ses besoins et des possibilités d’apprentissage entrevus sur le lieu de stage,
o soient co-définis dès le début du stage avec les superviseurs en charge de l’encadrement de l’étudiant afin qu’ils puissent s’appuyer sur des situations d’apprentissages signifiantes.
Durant le stage, il convient de prévoir plusieurs temps d’évaluations (informels/formels) et d’ajustements pour assurer une guidance adaptée aux besoins (sécurité des personnes soignées + apprentissages de l’étudiant), en restant vigilant à ce que les objectifs co-construits soient en conformité avec le niveau d’apprentissage de l’étudiant.
Dans sa supervision clinique, le professionnel encourage l’étudiant à autoévaluer ses interventions, en identifiant avec lui les points positifs et les points difficiles, les hypothèses sous-jacentes éclairant la pratique ainsi que des axes d’améliorations correctifs appropriés si besoin. Il convient de repérer et d’accompagner de manière bienveillante l’étudiant, notamment lorsque ce dernier n’ose pas exprimer les difficultés qu’il rencontre (savoir-faire ; savoir être, etc…) afin de l’aider à les nommer et à les surmonter ; lorsque son autoévaluation est inexacte, le superviseur peut le guider par une co-évaluation vers une autoévaluation plus réaliste. L’évaluation infirmière en stage permet aux étudiants de confronter les connaissances théoriques acquises dans un environnement clinique réel. Cela renforce leur compréhension des concepts théoriques et les aide à développer des compétences pratiques essentielles à leur futur exercice professionnel infirmier. Les étudiants ont l’occasion d’observer et de participer à diverses interventions et procédures sous la supervision d’infirmiers diplômés, ce qui contribue à leur développement professionnel. Suivre plusieurs professionnels de proximité permet d’analyser différentes approches favorisant la modélisation vers une approche opérante. Ce regard critique et constructif permet de plus de réinterroger les pratiques du lieu de stage.
L’évaluation infirmière encourage les étudiants à prendre des initiatives et à développer leur autonomie professionnelle. En leur permettant de prendre des responsabilités graduées et en reconnaissant leurs réalisations, les évaluateurs favorisent la confiance en soi des étudiants. Cette confiance est essentielle à leur professionnalisation.
Une posture de soignant-formateur-évaluateur du superviseur clinique permet d’analyser la réalité professionnelle. La relation entre l’encadrant et l’étudiant repose sur une collaboration basée sur la confiance et le soutien des apprentissages. Les professionnels doivent créer un climat favorable à l’apprentissage, encourager la participation active des étudiants et les aider à construire leur identité professionnelle. Ils sont également attentifs à repérer d’éventuelles difficultés ou réactions émotionnelles chez les étudiants pour leur apporter un accompagnement approprié en regard de la santé personnelle et de la qualité de vie au travail.
L’évaluation infirmière en stage met également en lumière la capacité des étudiants à s’adapter à des situations cliniques variées et à faire preuve de pensée critique. Face à des défis complexes et imprévus, les étudiants doivent être capables de prendre des décisions éclairées et de fournir des soins sécurisés.
Le travail réel peut être différent du travail protocolisé, nécessitant que tout professionnel développe sa pensée critique réflexive (théorie-pratique) et mette en oeuvre l’intervention adaptée à la situation. Le juste soin requis pour la personne soignée dans son contexte n’est pas toujours le soin décrit dans un protocole standard. Le compagnonnage infirmier en stage favorise également le développement des compétences relationnelles et interpersonnelles de l’étudiant, ainsi que sa capacité à travailler en équipe et à prendre des décisions cliniques éclairées. Cette modalité d’évaluation infirmière offre un cadre à l’étudiant en stage pour développer ces compétences en situation.
La réflexion et l’analyse critique sont des compétences clés que les évaluateurs encouragent chez les étudiants. Ils les aident à élaborer des réflexions sur le sens de leurs activités professionnelles, à analyser les pratiques professionnelles et les situations de soins, guidant l’évolution de leurs acquis d’apprentissage en conséquence. Les réunions de supervision entre tuteurs sont des moments privilégiés pour partager ces réflexions et favoriser l’amélioration continue de la pratique tutorale.
En conclusion, l’évaluation infirmière en stage joue un rôle central dans le développement professionnel des étudiants infirmiers ; elle favorise l’apprentissage continu, renforce les compétences cliniques, promeut l’autonomie et la confiance en encourageant l’adaptabilité comme la réflexivité du futur professionnel. Les évaluateurs jouent un rôle modélisant en transmettant des retours d’informations constructifs guidant les étudiants dans leur parcours de formation professionnalisante. La fonction tutorale tout comme le dispositif d’évaluation s’inscrivent dans une démarche de qualité et de sécurité des soins tant pour les personnes soignées que pour les professionnels et les étudiants, favorisant ainsi la sécurisation, l’attractivité et la fidélisation.